Après les dernières courses au marché, la dernière bière et le dernier repas à Praia, nous (Jacques, William, André et Claude) prenons le départ vers 14h45, sans oublier de saluer nos nouveaux amis Sud-Africains qui mouillaient à côté de nous, en route pour rejoindre la Méditerranée. Une grosse dépression en formation au nord entre Cap Vert et Sénégal devrait nous pousser bon train vers le sud, au près avec un bon vent de sud-ouest.
Nous avons environ 1950 milles à couvrir : nous prévoyons une 15e de jours si tout va bien.
Les premières heures sont plutôt tranquilles et nous en profitons même pour pêcher. Une prise va nous occuper 2h, épuisant le DD puis le Glaude, pour que la ligne finisse par casser (ça devient un peu récurrent sur Kousk Eol!) à 2 mètres du bateau, laissant apercevoir un poisson plutôt gros au ventre blanc et aux grandes nageoires latérales. Un requin ? On se console en se disant que de toutes les façons il aurait été trop gros et on aurait fait du gaspillage...
Quelques heures plus tard, on découvre qu'André n'avait pas exploré toutes les fonctions lavage/essorage de Kousk Eol : le vent et la mer se lèvent pour nous secouer passablement. Plus question de faire route au sud : creux de 3 à 4m de face et rafales montant à plus de 40 nds... La nuit est noire. Une déferlante nous couche brutalement : heureusement, les équipiers de quart sont harnachés comme il se doit, et tout le monde est à son poste. Une deuxième déferlante s'y met elle aussi, un peu moins violente. Nous décidons sagement de mettre Kousk Eol en « petite » fuite en abattant. Malheureusement, cette route nous éloigne de notre but, Salvador, en nous menant vers le sud-est : 140 milles en 16 heures malgré tout...
Les gribs récupérés via l'Iridium nous laissent espérer les alizés autour de 4°N : Jacques et André bâtissent les théories les plus avancées (Ont-ils vraiment envisagé d'appliquer la courbure de l'espace-temps à une pseudo-loxodromique ?) pour décider de la route optimale pour récupérer au plus vite ces vents de sud-est. Malheureusement, la grosse dépression est devenue entre temps le cyclone Umberto, et toute la zone est perturbée... Et les prédictions météo pour la fameuse Zone de Convergence Inter-Tropicale et son acolyte le Pot au Noir ne semblent pas d'une fiabilité infaillible. Il faudra descendre encore plus au sud avant de toucher les alizés, et patienter sous les déluges (ça, c'est la fonction « rinçage », complémentaire des fonctions « lavage/essorage » déjà testées, pas vraiment écologique si on considère les quantités d'eau utilisées!) et un vent alternant calme plat et brèves reprises. Le carré est souvent fermé et manque d'aération : ça sent un peu le chacal humide ! Deux jours sans soleil et un vent anémique nous obligeront même à mettre le moteur pendant un peu moins de 2 heures pour recharger les batteries. William profite de cette météo particulière pour développer de nouvelles techniques pour enrouler le fil de pêche.
Mais l'équipage est fort ! Et garde un moral d'enfer .
Symbiose ?
Un fou brun est venu nous rendre visite, parmi les puffins et autres pétrels tempête. Au contraire de ses congénères, lui reste autour du bateau : longs vols planés sur l'arrière, puis un petit tour de Kousk Eol, tantôt par tribord, tantôt par bâbord, puis il revient sur l'arrière et recommence son manège. Au bout de quelques heures à l'observer, nous nous demandons ce qui l'attire autour de nous. Nous comprenons quand Kousk Eol fait soudain partir un banc de poissons volants : notre fou les repère aussitôt, plonge, et en attrape un au vol ! La scène se répétera encore 3 ou 4 fois avant que notre éphémère compagnon ne nous quitte...
Racisme ordinaire
Moi je voudrais pas paraître raciste, mais le pote aux noirs, c'est pas forcément mon meilleur copain. Trop chiant, inconstant, incapable de se décider entre douche copieuse et moment de pétole.
Parlons en de la pétole : on croit pourtant bien connaître, quand on navigue en Méditerranée. Ben ici ça n'a rien à voir... Le ciel est plombé, sans horizon visible, et ça peut durer des heures à moins de 0,5 nœuds de vent. Puis sans qu'on demande rien de spécial, y en a un qui ouvre les vannes, là-haut. Et il a de grosses vannes et de gros réservoirs ! Un truc à faire pâlir Iguaçu... Sauf qu'Iguaçu on se trouve rarement dessous... On en profite bien pour se laver, mais la fois suivante, au bord de la noyade, on se met à l'abri dans le carré. Et comme tout est fermé et qu'on est tout de même à 4° de l'équateur, on cuit dans son jus … Et donc on recommence le cycle.
Et je ne parle même pas de notre moyenne, qui en prend un sale coup : c'est sûr qu'on va avoir au bas mot un jour de moins à siroter une caïpirinha à Salvador à ce train !